KOJIKI

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Le Kojiki , ou Notes sur les faits du passé , est le plus ancien texte rédigé en langue japonaise. Cosmogonie, chronique mythique, «Livre des rois» de la dynastie insulaire, il sera considéré au XIXe siècle comme le «livre saint» du shint 拏 rénové, dont certains hommes d’État voulurent faire la religion nationale du Japon, opposée au bouddhisme et au christianisme, religions «importées».

La rédaction du «Kojiki»

S’il faut en croire la préface de l’ouvrage, un édit de l’empereur Temmu, l’an 10 de son règne (682 de l’ère chrétienne), proclamait: «Nous avons ouï dire que les chroniques des empereurs, aussi bien que les traditions que détiennent les clans, divergent de la droite vérité, que l’on y a rajouté de vaines faussetés. Que si, en ce temps présent, ces erreurs n’étaient redressées, avant que nombre d’années ne se fussent écoulées, ce qui est leur raison d’être serait détruit. C’est à savoir les structures de l’État, les fondements de la Vertu royale. Ce pourquoi nous voulons que soient recueillies et enregistrées les chroniques des empereurs, que soient vérifiées et examinées les traditions, que soit effacé le faux et fixé le vrai, et qu’il soit ainsi transmis aux siècles à venir.»

Il s’agissait en somme d’unifier les traditions en supprimant toutes les divergences que pouvaient faire apparaître les chroniques des clans par rapport à ce qui devait être la vérité officielle du clan du Yamato, clan royal qui avait progressivement imposé son pouvoir à la quasi-totalité de l’archipel. Pour ce faire, ordre fut donné à un certain Hieda no Are de graver dans sa mémoire tables généalogiques et faits mémorables.

L’entreprise toutefois ne fut menée à bonne fin que trente ans plus tard. En 711, en effet, un nouvel édit, de l’impératrice Gemmy 拏, enjoignait au lettré 牢 no Yasumaro (mort en 723) d’avoir à composer, sous la dictée de Hieda no Are, des «notes sur les faits du passé». Le travail sans doute était déjà fort avancé, puisque quatre mois suffirent à Yasumaro pour le réaliser et le présenter à la souveraine, en 712.

Destiné à affirmer la légitimité de la dynastie nationale qui venait de fonder sa première capitale, Nara, construite sur le modèle de la capitale impériale des Tang, le livre était rédigé en langage autochtone, alors que seul jusque-là le chinois était utilisé comme langue écrite. On conçoit dès lors toute l’importance que revêt ce document pour le linguiste: il est non seulement le plus ancien témoin de la langue japonaise, mais aussi la première tentative connue pour transcrire cette langue au moyen des idéogrammes chinois, unique système d’écriture connu des Japonais.

Ce ne devait certes pas être la première tentative dans ce sens, car il eût fallu plus que du génie au rédacteur du Kojiki pour atteindre d’emblée une manière de perfection. Non point que la lecture en soit aisée: dès le IXe siècle, des gloses circonstanciées furent nécessaires pour en éclairer les difficultés – que toute l’ingéniosité et la patience de Motoori Norinaga (1730-1801), qui en reprit l’étude au XVIIIe siècle, n’ont pu entièrement lever. Le texte, en effet, se présente comme une masse compacte d’idéogrammes, dont les uns détaillent syllabe par syllabe les vocables japonais, selon une lecture phonétique qui fait abstraction de leur signification, tandis que d’autres, que rien n’en distingue, sont lus en «traduction», le lecteur prononçant le mot japonais correspondant au sens du caractère, sans tenir compte de sa prononciation chinoise. Malgré l’effroyable complexité du procédé, il n’en est pas moins à l’origine du système d’écriture encore en vigueur: il suffisait pour cela de distinguer par leur graphie simplifiée les signes utilisés phonétiquement.

Le contenu du «Kojiki»

En trois livres, le Kojiki retrace, depuis les origines de l’Univers, les faits et gestes des ancêtres de la maison régnante, divins et humains, des dieux primordiaux jusqu’à l’impératrice Suiko (règne 593-628).

Livre I. Dans la plaine du Haut-Ciel naissent spontanément les trois divinités primordiales. Dans l’Océan se forme la Terre, qui «flotte sur les eaux comme une méduse». Deux nouvelles divinités apparaissent, qui engendrent, à la septième génération, le couple démiurge Izanagi-Izanami. Ceux-ci créent les îles, les monts, les fleuves et mettent au monde une foule de dieux. Izanami, brûlée par le dieu du Feu, descend au «pays des Ténèbres». Des yeux d’Izanagi naissent enfin le Soleil et la Lune, et, de son nez, Susano-o le violent, le dieu des typhons.

Un conflit éclate entre la souveraine solaire Amaterasu et Susano-o. Ce dernier, chassé du Ciel, aborde dans la province d’Izumo. Là se place un cycle légendaire relatif à cette province, souvenir probable d’une longue autonomie.

Amaterasu confie l’empire des îles à son fils qui se heurte à la résistance des «dieux de la Terre», et ce n’est que l’«auguste petit-fils», Ninigi, qui pourra recueillir enfin l’héritage. Deux générations divines se succéderont encore avant l’avènement du premier empereur «humain», Jimmu-tenn 拏.

Livres II et III. D’un caractère tout autre sont ces deux livres, dont la trame est constituée par la généalogie des souverains, parfois donnée sans commentaires, parfois enrichie d’épisodes divers qu’il serait hasardeux, à l’exception peut-être de certains récits de complots ou de querelles dynastiques, de considérer comme historiques. Récits d’amour, légendes poétiques, anecdotes édifiantes s’y entrelacent, où revit un Japon d’avant l’histoire, qui reste encore fruste, mais qui déjà annonce la recherche esthétique et le sens de l’harmonie entre l’homme et la nature qui s’épanouiront dans le Man y 拏 sh .

Signification politique

Le but essentiel du Kojiki avait été l’affirmation de la légitimité de droit divin des dynastes du Yamato. Un second objectif, non moins important, était de définir les liens qui unissaient les clans à la dynastie: il fut atteint en intégrant leurs ancêtres mythiques ou historiques dans les généalogies, à titre de cadets ou de serviteurs de la lignée impériale.

Le Kojiki ne comporte aucune référence au bouddhisme, qui pourtant était devenu la religion de la cour, et les relations avec le continent sont à peine évoquées, mis à part l’expédition en Corée de l’impératrice Jing 拏, grossie du reste aux dimensions d’une épopée. Le bouddhisme, tout autant que certaines théories politiques chinoises, était en effet difficilement compatible avec l’idée d’une souveraineté de droit divin: il menaçait les dieux autochtones dans leur existence même. C’est ce que virent fort bien ceux qui, au XIXe siècle, voulurent proscrire le bouddhisme au nom d’un shint 拏 d’État dont le Kojiki serait la Bible [cf. SHINTO].

Encyclopédie Universelle. 2012.

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